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Le Yoga à l'
école
Par Swami Madhurananda
Tél.: 450 281 -1108
Le yoga est une science au service de la vie mais aussi un art et une culture.
Sa pratique régulière et progressive à la lumière
de la Tradition permet une réalisation personnelle dans le sens
d’un savoir être épanouissant et rayonnant.
Nous avons souvent tendance à
idéaliser la période de l’enfance parce qu’elle signifie innocence,
candeur, facilité, légèreté. Mais en tant qu’adulte,
un jour ou l’autre, nous nous rendons compte que nous y avons tissé
un grillage solide pour nous protéger de nos souffrances. C’est donc
que l’enfance n’est pas une période si facile. J’envisage le yoga
comme une possibilité pour l’enfant de « grandir » dans
toutes ses dimensions de façon harmonieuse, de libérer les
tensions inhérentes à la vie et de s’affirmer dans son individualité.
Pour les enfants, un cours de yoga
c’est d’abord l’occasion de se connaître, car on y parle beaucoup
de qualités et on les développe. C’est un aspect non négligeable,
car l’éducation met beaucoup l’accent sur les défauts, des
défauts qu’il faut corriger, nous en sommes tous des témoins
vivants. Quel contrat ! En famille, il leur faut prendre leur place et se
situer, mais « s’arranger » pour être aimés et reconnus.
Ce qui signifie quelques concessions qui, à la longue, finissent par
avoir raison sur l’être. A l’école, l’enseignement même
s’il comprend savoir, savoir être et savoir faire, privilégie
savoir et savoir faire. Là encore l’être « en prend un
coup », la sensibilité, la créativité, l’affectivité,
ont peu de place dans les programmes. Dans la société, tout
se complique dans la multiplication des enjeux, c’est là que tous les
mécanismes se renforcent. Quand la performance intervient sur un terrain
fragilisé, elle fait des ravages.
A titre indicatif, voici des situations où
le yoga peut venir en aide aux enfants. Il est reconnu que le port du cartable
trop chargé et la position assise en classe, peuvent avoir des effets
négatifs sur leur dos. Certaines postures, pratiquées quotidiennement
peuvent compenser leurs conséquences désastreuses difficiles
à contourner sur le plan pratique, en éliminant les tensions.
La relaxation prend ensuite le relais pour rétablir la circulation
de l’énergie. Le résultat s’exprime par un bien être
physique qui a des retombées sur leur comportement. Les techniques
de respiration ont un rôle à jouer au niveau émotionnel
et mental. Nous avons tous connu les bancs de l’école, le stress,
la pression qui supplante souvent la motivation pour réussir, les
relations pas toujours faciles avec l’enseignant et les pairs, tout un lot
d’émotions dans des registres et degrés variés, une
énergie qui demande à être libérée et
canalisée. La respiration pratiquée selon certaines règles
permet d’éliminer et d’apaiser les traces laissées par le
tumulte intérieur de ces situations, incontournables elles aussi.
Le yoga comprend tout un ensemble
de techniques dont la pratique permet d’harmoniser tous les aspects de l’individu.
A l’échelle de l’enfant l’objectif reste le même, cependant,
le programme est plus simple et à sa portée. Le travail est
orienté vers le corps physique au moyen des postures (asanas), de
respirations (pranayama) et de relaxation (Savasana). Celui-ci favorise
un développement harmonieux, renforce les os, assouplit la musculature,
assure un bon équilibre postural. Sur le plan psychique, les asanas
développent la concentration, la confiance en soi, la force intérieure,
l’endurance, l’ouverture et la créativité. Elles lui permettent
en outre d’améliorer ses capacités d’écoute, d’attention,
sa concentration, sa capacité d’adaptation et son aptitude à
apprendre. Enfin, elles travaillent à réaliser un équilibre
psychophysique en développant la volonté, le calme, la gestion
des émotions, leur maîtrise et la gestion du stress.
Le yoga pour les enfants reste une
discipline mais il laisse place à la spontanéité et
au jeu qui leur permettent de se ressentir, d’être avec les autres
dans un mouvement qui respecte la vie. C’est une expérience positive
à tous les points de vue. Il suffit de peu de temps de pratique pour
que les enfants comprennent que le yoga pour eux, « c’est essentiel
».
L’enseignement lui-même, pour
être au service de la vie, demande à être adapté
à l’enfant, il doit tenir compte de sa croissance physique, de son
évolution psychologique, afin de lui permettre de se construire «
un esprit sain dans un corps sain ». Il devient un art en permettant
à l’enfant d’exprimer ce qu’il est de manière positive par
une attitude et des comportements mettant en jeu sa sensibilité, sa
créativité. Il est « culture » quand il lui enseigne
à établir une relation avec lui-même, une relation à
l’autre et à la vie dans une atmosphère de partage où
il se sent prendre sa place et être reconnu. En d’autres termes, on
ne se lance pas dans cet enseignement sans un minimum de connaissances.
Les formations de professeurs de
yoga sont destinées aux adultes. Quand le public est particulier,
une formation spécifique est nécessaire avec un savoir et
un savoir faire adaptés. Le contexte de cet enseignement aux enfants
est à la discrétion de chacun. L’école, les centres
de loisirs, les centres de petite enfance sont demandeurs et cette liste n’est
pas exhaustive.
Etant à la fois enseignante
et professeure de yoga, j’ai eu l’occasion d’enseigner le yoga aux enfants
de 3 ans à 12 ans en des lieux variés et dans des structures
différentes, ceci depuis près de vingt années. Je peux
ajouter « avec succès ». Dans une école, où
j’étais également directrice, je l’ai enseigné dans
toutes les classes. D’une part les enfants avec le temps ajustaient leur
comportement, ce qui avait une incidence directe sur l’ambiance de l’école,
d’autre part les apprentissages étaient facilités : tout
le monde était heureux ! Les enfants, les enseignants, les parents.
Pas une ombre au tableau.
En ce moment je vais dans une école
privée, je donne un cours de yoga à des enfants de 10 à
12 ans, dans le cadre d’une activité parascolaire. Un cours de yoga
avec les enfants suit la même chronologie qu’avec les adultes. Un retour
au calme après une journée de cours leur permet de laisser
les fatigues, les soucis pour passer à autre chose. Car les enfants
ont leurs soucis et leurs fatigues. On confond souvent leur excitation
avec de l’énergie. Or, ils sont fatigués et puisent leur
énergie dans les réserves nerveuses comme les adultes. Ils
sont fatigués par le rythme scolaire qui demande beaucoup trop d’attention,
de concentration et ne donne pas assez de place au corps, à l’exercice
physique, à la créativité. Je n’exprime pas là
une critique de l’école et des enseignants : j’ai fait ce travail
une trentaine d’années et je sais qu’il n’est guère possible
de faire autrement, à moins d’une remise en question collective.
Suite au court repos mis à profit pour « mieux respirer »,
se détendre, parfois aussi s’harmoniser avec le groupe, des exercices
de préparation, « les pawanmuktasanas » constituent une
mise en mouvement progressive du corps et la conscience s’y promène
pour approfondir le contact et la détente. Les articulations sont
assouplies, la musculature échauffée, étirée,
l’énergie cumulée en vue de la mise en mouvement qui suit.
Les postures viennent ensuite mobiliser l’attention sur différentes
parties et de façon précise, travailler à la construction
harmonieuse du corps. Les effets sont communiqués, autant sur le plan
physique que psychique. Certains mots encore un peu abstraits suscitent des
questions, je les explique et je les fais ressentir. Je sens qu’un courant
passe, une compréhension mutuelle s’installe, des tensions tombent,
l’intérêt s’éveille. La confiance est là. Les
petites confidences çà et là, les questions glissées
discrètement quand je passe près d’eux ou à la fin du
cours en font foi. Chaque séance se termine par une relaxation où
je mets l’accent sur le ressenti, la visualisation pour garder l’intérêt,
et parfois un jeu qui donne une bonne idée du Yoga : un temps pour
la discipline, un temps pour jouer ! Yoga et Bhoga.
Le yoga peut s’intégrer à
l’école de façon différente, par le biais d’un projet
qui peut prendre différentes formes. Dans mon expérience passée,
il a été inclus dans des projets comme «A l’école,
je positive », « Aide aux enfants en difficultés d’apprentissage
». Ces derniers plus que les autres ont un besoin de reconnaissance,
en chute libre avec l’échec scolaire. Les efforts diversifiés
et considérables soutenus par les enseignants consciencieux et dévoués
n’aboutissent pas toujours au résultat escompté. C’est très
pénible à vivre de tout côté. « Former
des enfants chercheurs » dont un volet consistait à mieux
se connaître, connaître son corps. « Education à
la citoyenneté », « Vivre ensemble », en proposant
des alternatives positives en réponse à des comportements
difficiles tels que : agressivité, turbulence, manque d’attention.
Le contexte actuel propulse les parents dans une dynamique de vie où
ils ont peu de temps à accorder à leurs enfants, ceux-ci
ont du mal à trouver leur place. Ils manquent d’attention et font
tout ce qu’ils peuvent pour manifester leur existence, du bruit aux «
bêtises » avec une progression et une aggravation qui suscitent
bien des questions. « Accompagner les apprentissages », tout
simplement : pourquoi pas ? Le système scolaire exige beaucoup
de l’enfant. Associer ces apprentissages à dominante théorique
à l’acquisition d’un savoir-faire et d’un savoir-être, donne
à la connaissance, une ouverture sur soi et sur le monde qui ne
manque pas d’intérêt. Le but étant de rendre l’enfant
disponible pour écouter, comprendre, intégrer le bagage nécessaire
à sa formation. En yoga, cela se traduit par : respirer, se détendre,
se sentir bouger, prendre contact avec le monde environnant. C’est un
éveil progressif sur son monde intérieur où l’enfant
développe une autre conscience des autres.
J’ai lu dans une revue pédagogique
récemment, le récit d’une expérience semblable, intégrée
dans une école par les soins d’une professeure d’éducation
physique, sans doute formée au yoga par ailleurs. Un succès
reconnu. Ce rôle d’enseignement du yoga peut être confié
dans un premier temps aux professeurs de yoga qui ont à leur acquis
la pratique, l’expérience et le savoir faire de base. La dimension
du « Yoga pour les enfants » est une option à ajouter
à leur formation. J’ai le cœur à envisager que les enseignants
eux-mêmes « se lancent » un jour, mais cela leur demande
une formation dans ce sens. Cela permet, et j’en témoigne, de glisser
au besoin, dans la classe, un exercice qui prend quelques minutes et permet
de rétablir le calme, polariser l’attention, favoriser la concentration.
Je rêve…mais « Rien n’est une perte de temps si vous utilisez
l’expérience sagement ».
Pour conclure, revenons à
l’enfant, au cœur de cette démarche, l’objectif est de l’aider à
se développer harmonieusement dans un processus qui allie discipline
et créativité. Lui permettre de vivre une expérience
de détente et de bien-être qui favorise également
la détente sur le plan émotionnel et mental par la relaxation
et la respiration. Lui proposer des exercices qui lui font prendre conscience
de son corps et qui tiennent compte de ses besoins physiques et physiologiques.
Encourager l’éveil de sa créativité dans l’exploration
de ses capacités corporelles. Le guider pour qu’il développe
le potentiel de qualités présentes en lui et qui sont transférables
dans ses apprentissages : écoute, concentration, équilibre,
maîtrise, calme. Le but de l’éducation est le bonheur dit Arnaud
Desjardins, dans son livre, « Pour une vie réussie, un amour
réussi ». Il ajoute que les échecs et les problèmes
avec les jeunes aujourd’hui, viennent du fait que les enfants ne sont pas
heureux. Les enfants ont donc besoin de s’épanouir tout en préparant
leur vie d’adulte. Je suis persuadée que le yoga, même s’il n’est
qu’un aspect dans l’éducation, peut remplir ce rôle.
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Francophone de Yoga
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