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Les Voies du YOGA
Le Bhakti Yoga
Par Swami Sai Shivananda, Ph.D.
Président de la Fédération Francophone
de Yoga
Membre du World Council of Yoga
Le Bhakti-Yoga est défini comme le Yoga de la dévotion
au Divin. Le mot Yoga signifie sous
le ‘ Joug ‘ , sous l’ influence du Divin,
nous pouvons dire que tous les Yogas
sont des voies vers le Divin. Aussi, le
Bhakti Yoga se distingue des autres Yogas
par des particularités.
Bhakti fait allusion à la sublimation
des sentiments comme nous pourrions dire que
le Tantra concerne la sublimation des sens.
La question : L’ un peut-il être vécu
sans l’ autre ? Dans une première
étape du cheminement , le Bhakti Yogi entretient
une vision dualiste du monde, une démarche
de dévotion, d’ adoration au Divin (
Niveau de l’ Apara – Bhakti : relié aux
rituels ). Dans ce sens la plupart des
religions du monde sont de nature dévotionnelle.
Par contre le véritable Bhakti Yogi
vise à devenir le Divin, ou plus
exactement a être seulement une expression
de Dieu ( niveau de la Para-Bhakti ).
A ce niveau de manifestation il y
donc une nette séparation car les
religions n’ intègrent pas le Divin
dans son adorateur.
Si le yoga de la dévotion est
répandu c’ est qu’ il représente
une voie spirituelle facile, accessible
au plus grand nombre. La Bhakti qu’ elle
soit orientale ou occidentale présente
toujours certaines facettes : l’ adoration,
la contemplation de la divinité, la
répétition du ou des noms de
celle-ci, la dimension messianique ( c’
est la divinité qui me sauve et
non moi-même ), l’ établissement de
règles de conduite ou de code moral
établi sur des textes de révélation
divine, la notion de péché, la
pratique de rituels et le concept de
prière, l’ existence d’ un paradis, l’
établissement ( presque la plupart du
temps mais pas toujours ) d’ une communauté
religieuse.
Adoration & Contemplation
La Bhakti est une forme d’ amour
désintéressé, transcendant qui
génère la Foi. Nous pouvons distinguer
deux aspects de cette dévotion : le rituel
et la contemplation.
Les rituels dévotionnels font intervenir
les chants, les psalmodies, les prières. Ils
se rapprochent plus d’ une croyance et
impliquent souvent une demande de la part
du dévot. La contemplation par contre
devient un état ou la distance
entre l’ objet de dévotion et le
dévot a disparue, il y a un contact
direct entre les deux. Je pense que c’
est seulement à ce niveau que
nous pouvons parler de foi. Le niveau
supérieur étant
l ‘ absorption de la divinité en soi-même.
Nous retrouvons ici les étapes
de la méditation et du Raja
Yoga ainsi que défini par Patanjali
et vécu par tous les méditants
: concentration – contemplation – unité ( dharani
- dhyâna - Samadhi ). L’ état de contemplation
implique la dualité mais non l’
état d’ absorption, nous passons d’ une divinité
extérieure à une intérieure, ce
qui semble impossible dans le même
système de croyance. Le Tantra
ou le méditant fusionne avec sa
divinité est donc aussi une forme
de bhakti. De même le singe ‘ Hanuman ‘
qui a force d’ imiter son maître
le devient représente aussi cette
bhakti. Mais qui voudrait d’ un singe
comme modèle ? Certainement l’ exemple
de Krishna est plus inspirant pour l’
Hindouiste. Le concept de Bhakti Yoga est
en effet très connu par rapport à
Krishna et à son enseignement de la Bhagavad
- Gita ( ou le Chant de Dieu ).
Pourtant l’ enseignement de Krishna n’
est-il pas plutôt une éducation qu’
un code d’ éthique ? Krishna ne
dit-il pas : ‘ Je me tiens dans le cœur
de chaque être ‘ ( verset 15-15 ), de même
que Jésus disait : ‘ Sois moi ‘. Peut-être
pouvons nous établir qu’ à ses
origines cette bhakti est un véritable
cheminement spirituel individuel mais que cette
même bhakti devient un dogme lorsqu’
instaurée dans un système religieux.
Les Noms de Dieu
La
répétition des noms de la divinité
se retrouve dans toutes les
traditions
de bhakti. Les adorateurs de Krishna chantent
la
Bhagavad-gita et le mantra de Krishna, les
musulmans répètent les 99 noms
d’ Allah, les Chrétiens chantent les
psaumes, ( Psaume 113-3 : ‘ Le nom de Jésus quand
on l’ invoque adoucit et fortifie ‘ ), les
bouddhistes de la Terre Pure chantent le mantra
d’ Amitabha… Le nom devient vibration,
c’ est -à - dire moyen de communication avec
le Divin. Il faut toutefois faire remarquer
une différence avec la pratique orientale
des mantras. Le terme ‘ mantra ‘ signifiant ‘ outil
pour le mental ‘, le pratiquant doit en
connaître la juste utilisation et considère
le son-mantrique comme un moyen de sérénité
et non comme une invocation. Là encore,
le méditant a reçu un enseignement
là ou le dévot suit simplement
un rituel.
L’ approche messianique
La
Bhakti nécessite dans sa forme primaire
la dualité : l’ adorateur et l’ adoré. Ce
qui implique la conception du sauveur ( le Messie
) qui guide toutes les religions du monde.
Religions que nous appelons ‘ les gens
du livre’, car toutes guidées par
rapport à une révélation écrite
: la Bible , Le Coran, la Bhagavad - Gita, la
Torah,..
Les ‘ gens du Livre ‘ n’ incorporent
pas la Divinité, ils doivent être
‘ sauvés ‘ par elle, ils ne conçoivent
pas de se sauver eux-même.
D’ ou évidemment des règles
de conduite à suivre et une notion
de péché. Cependant le terme ‘
péché ‘ viendrait de l’ araméen ‘
teshuwa ‘ qui signifie en réalité ‘
se souvenir ‘ . Le ‘ péché serait
donc l’ oubli de Dieu tout simplement
. Oubli qui se corrige en pratiquant
à nouveau et n’ engendre pas de
culpabilité mais des conséquences karmiques.
Jésus ne disait-il pas pourtant ‘
Ta foi t’ as sauvé ‘ et non ‘ je
t’ ai sauvé’ . De même, le mot
‘ Paradis ‘ viendrait de ‘ Paradesha ‘ signifiant
‘ lieu de la connaissance ‘. Cette co-naissance
qui est une naissance à soi-même
en totalité c’ est à dire
incluant le spirituel en nous-même. L’
approche messianique nous évite de nous
prendre en charge, d’ être pleinement
responsable de notre accomplissement humain
et spirituel. D’ être, nous pourrions
dire co-créateur.
Le Désir &
la Grâce
La notion même de Bhakti
implique celle de désir. Les religions
et spiritualités ont beaucoup de difficulté
avec cela. L’ érosion du désir
dans les Védas, l’ annihilation des désirs
dans la Bhagavad-gita, la sublimation
des désirs dans le Tantra, le Coran
ou le Christianisme… Pourtant , le désir
est le moteur du dévot, sa force
vive, il ne peut la supprimer, il
doit donc l’ utiliser. Le dévot
conventionnel souhaite la réalisation de
désirs égoïstes , disons personnels,
de la nature de l’ ego. Le dévot
avancé souhaite une réalisation spirituelle,
le dévot réalisé ne souhaite
plus rien, il est l’ expression de la
divinité et est guidé par elle.
Comme Swami Ramdas disait : ‘ Je vois
Rama en
chaque être ‘. La Bhakti est
cette voie d’ absorption en la divinité.
Mais les innombrables sentiments et états
de dépression engendrés par le sentiment
d’ être coupable de désirs
semble un obstacle à la bhakti
véritable. Car le dévot n’ essaie
pas de comprendre son cheminement, ni
le pouvoir de réalisation du désir,
ni sa nature profonde. Le dévot
suit un mode opératoire vers le
Divin sans se poser de question. Aussi
avant d’ atteindre la grâce
le chemin sera long, car souvent le
dévot lutte contre lui-même et
se détruit au lieu de s’ accueillir
comme un dévot en cheminement . Et pourtant,
toutes les voies de bhakti nous disent
que tous les êtres sont dignes de
compassion. Deux termes et règles dans
le bhakti demandent des clarifications : brahmacharya
et pratyara. Le terme Brahmacharya est
souvent traduit par célibat, continence,
le mot en lui-même signifie : instructeur
de Brahmâ, donc celui qui enseigne
la spiritualité. Souvent des gens demandent
comment se fait-il que tel maître
de méditation se dise Brahmacharya
et est des enfants. Tout simplement parce que
le vœu de célibat ne fait pas
partie du cheminement . Swami, moine zen, acharya
du yoga,…sont souvent mariés de même
que l’ étaient les évêques
auparavant. Le deuxième terme va nous
apporter un éclairage à ce sujet
: Pratyara, signifie en sanscrit : retournement
des sens , c’ est à dire
utiliser ses sensations pour le contact
spirituel. Donc, contrairement aux traductions habituelles
cela ne signifie pas : se couper du
monde et des sensations mais de les
utiliser dans un processus conscient de
ré-unification de soi.
Religions & réalisation
La plupart des voies de dévotion
sont représentées par les grandes
religions officielles. Cela se comprend dans
le sens ou une ‘structure d’ adoration
‘ est mise en place pour les dévots
et cela a une fonction de rappel spirituel
au niveau du grand public. Par contre,
les systèmes religieux dévotionnels
impliquent souvent l’ intermédiaire du
prêtre comme intermédiaire avec
le Divin. Le candidat dévot ne pourra
donc pas intégrer sa divinité
en lui-même, il ne pourra vivre
que le niveau dualiste de la Bhakti.
Et ainsi que le faisait remarquer
swami Vivekananda, cela engendrera inévitablement
de dangereux fanatiques. Nous pouvons dire
en fait que la représentation divine
adorée devrait toujours être comprise
comme un moyen de communication avec le
divin et non comme une finalité
ou une réalité. Ainsi le moine
bouddhiste adore son Ishta Devata et la
voit ensuite en tous êtres et phénomènes.
Naturellement , le contact avec un
concept du Divin au-delà de toute
forme est très difficile pour
la plupart. Des religions comme l’ Islam
ou la foi Hébraïque on bien
essayé de supprimer toute image
de la divinité, cependant le système
de croyances reste. Or la Foi, but
de la bhakti implique de sortir des
croyances. Car il y a croyance seulement
lorsque je ne vis pas ma spiritualité,
que je ne l’ intègre pas en moi-même.
Il en est de même pour le
méditant qui utilise la dimension du
guide spirituel intérieur, le but est
de devenir ce même guide, de l’
actualiser. Ne dis-t-on pas dans le Bouddhisme
: ‘ Si tu vois le Bouddha, tues-le ‘ ,
ne te contente pas de projeter ta
propre image de l’ esprit mais vis
la. Bien sur ce paradigme spirituel de
l’ intégration du Divin et peut-être
aussi de l’ évolution du Divin
avec la progression de la Bhakti, de
la foi de tous est un concept plus
avant-gardiste, plus évolué. En Orient
il est dit que tout être
qui évolue fait évoluer l’ humanité.
La foi consciente et intégrée
nous amène alors à notre propre
accomplissement tout en participant à
celui des autres êtres , cela est
la compassion.
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